• Un Singe en Hiver

    Tiré du bouquin éponyme d'Antoine Blondin

    La deuxième guerre mondiale. En plein bombardements, Albert Quentin (Gabin) - patron d'un Hôtel-Restaurant à Tigreville, en Normandie – jure à son épouse (Suzanne Flon) de ne plus toucher à un verre d'alcool s'ils en réchappaient vivants. Des années plus tard, le passage de Fouquet (Belmondo) dans la petite ville fait ressurgir chez lui le goût du voyage....

    Henri Verneuil à la baguette, des dialogues d'un Michel Audiard très inspiré, ce film est d'une grande richesse. Si la forme que prend le récit est très drôle, le film traite de sujets lourds. Il évoque notamment la question de l'alcoolisme, mais pas d'une façon aussi simpliste qu'on pourrait le croire.

    L'auteur dépeint notamment deux mondes : celui des écorchés vifs, des torturés, des « en souffrance », dont l'alcoolisme est très clairement un échappatoire à une existence douloureuse. Ils le savent et le revendiquent. L'alcool n'est rien qu'un véhicule, rien de plus. C'est le monde des artistes, des « bizarres », des « originaux ». Celui de ce jeune Albert Quentin qui quitte sa Normandie natale pour aller faire son service militaire en Chine. Celui de ce romantique, Gabriel Fouquet, publiciste se rêvant – un peu trop -matador, en panne dans son couple. C'est - évidemment - surtout celui d'Antoine Blondin.

    Et puis, il y a le monde des « piliers de comptoirs » pour qui boire est devenu une habitude et pour qui l'alcool tue l'ennui. Ici, pas de rêve, pas de voyage, pas d'imagination. Blondin porte un regard dur sur eux car ils symbolisent l'angoisse du devenir, un spectre insupportable. Pour ceux qui « tiennent encore le litre sans se prendre pour Dieu le père », le temps s'est arrêté. La futilité s'est emparée de leurs existences et ils semblent désormais étrangers à tout questionnement existentiel. Et un artiste qui ne pose plus la question de la vie est, pour Blondin, un artiste mort.

    « - Y'a pas de bonnes habitudes. L'habitude, c'est une façon de mourir sur place. »

    " Mourir saoûl, c'est mourir debout"

    " Sous prétexte de nous empêcher de boire, elles ne rêvent qu'à nous mettre en bouteille."

    "Si je buvais moins, je serai un autre homme. Et j'y tiens pas ! "

    "Dis-toi bien qu'si quelque chose devait m'manquer, ce serait plus l'vin, ce s'rait l'ivresse..."

    "Tu te demandes pourquoi y picole l'espagnol ? C'est pour essayer d'oublier des pignoufs comme vous !"

    Et puis...Gabin et Belmondo, qui se découvraient, « se trouvent » à merveille, dans un jeu de miroirs temporels. Encore un petit (mais costaud !) rôle pour Noël Roquevert.

    Un film incontournable, qui, en outre, n'a pas pris une ride. On dit souvent ça des oeuvres majeures...

    Henri Verneuil, France (1962)

    http://www.michelaudiard.com


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